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Encyclopédie
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Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers
Article : Sculpteurs anciens - 3/5
Début des Sculpteurs anciens
Euphranor, de l'isthme de Corinthe, contemporain de Praxitèle, fleurissait dans la cive olympiade, environ 390 de Rome. Pline parle de cet artiste avec de grands éloges, et décrit ses ouvrages. Il fit une statue du bon Succès, qui d'une main tenait une patère pour marque de sa divinité, et de l'autre un épi de blé avec un pavot : "hujus est simulacrum (boni Eventus) dextrâ pateram, sinistrâ spicam, ac papaver tenens". Cette statue d'Euphranor a servi de modèle aux images qui en ont été représentées sur les médailles impériales, grecques et latines. En effet, sur celles du haut empire juqu'à Gallien, desquelles on a connaissance, ce dieu sous le titre de bonus Eventus, bono Eventui, Eventus Augusti, y est figuré de la même manière et avec les mêmes attributs que la statue faite de la main d'Euphranor, c'est-à-dire nue, proche d'un autel, tenant d'une main une patère, et de l'autre des épis et des pavots. Quelquefois avec très peu de différence, comme une corbeille de fruits, au lieu de la patère, ou une branche d'arbre garnie de fruits, de la manière qu'on le voit sur les médailles d'argent de Pescennius Niger et de Julia Domna, rapportées par M. Patin.
Mais le chef-d'oeuvre d'Euphranor était sa statue de Paris. Il indiqua, dit Pline, par son ouvrage, le juge des déesses, l'amant d'Hélene et le vainqueur d'Achille. Que de beautés dans cet éloge! Et que l'idée seule de caractériser ces trois choses était agréable de la part de l'artiste! je dis l'idée, car tant de différentes expressions étaient impossibles à exécuter à la lettre, mais c'est beaucoup que de les faire penser.
Au reste, Euphranor n'excellait pas moins en Peinture qu'en Sculpture, et nous n'avons pas oublié son nom dans la liste des peintres célèbres de l'antiquité.
Euthychide, sicyonien, de l'école de Lysippe, fit pour Denis, tyran de Syracuse, la statue de Timosthène athlète, qui remporta le prix du stade aux jeux olympiques. C'est ce même Euthychide, dit Pausanias, qui a fait pour les Syriens d'Antioche cette statue de la Fortune, qui est en si grande vénération parmi les peuples. Mais le chef-d'oeuvre de cet artiste est la statue du fleuve Eurotas, qu'il exécuta en bronze d'une manière si parfaite, que le travail, dit Pline, était encore plus coulant que les eaux de ce fleuve; c'est un bel éloge du dessin, de la composition et de l'exécution, surtout quand il s'agit de représenter un fleuve; c'est d'ailleurs tout ce qu'on peut demander à l'art que de trouver dans la nature des choses qui répondent à celles que l'imagination a créées. On dit aujourd'hui un dessin coulant, et on le dit encore avec plus de grâce, quand il est placé dans les figures auxquelles il convient par leur essence.
Euthycrate, natif de Sycione, fils et disciple de Lysippe, imita son père dans l'exacte observation des règles de la Sculpture, et aima mieux, selon Pline, s'attacher scrupuleusement à la correction, qu'aux agréments et à l'élégance. Il tailla pour la ville de Delphes deux superbes statues, l'une d'Hercule et l'autre d'Alexandre. On vantait encore singulièrement sa grande chasse des Thespis et des Thespiades. Il fit plusieurs figures de Médée dans son char à quatre chevaux; plusieurs représentations de meutes de chiens, et un groupe d'un combat à cheval qu'on mit à l'entrée de l'antre où se rendaient les oracles de Trophonius.
Léocharès, contemporain et rival de Scopas, vivait dans la Ce olympiade; il fut un des quatre excellents sculpteurs qui travaillèrent à ce superbe tombeau de Mausole, roi de Carie, que l'on a regardé comme une des sept merveilles du monde. On admirait encore au Pirée deux de ses statues, une de Jupiter, et une autre qui représentait le peuple d'Athènes.
Mais admirez comme Pline parle d'un autre ouvrage de Léocharès : cet artiste, dit-il, exécuta un aigle enlevant Ganymède, sentant le mérite du poids dont il est chargé, et la grandeur de celui auquel il le porte, craignant de blesser avec ses ongles les habits même du jeune phrygien.
Cette composition ne paraît pas seulement possible et simple, mais charmante à M. le comte de Caylus, qui de plus ne doute point que l'exécution n'ait répondu parfaitement à la beauté de l'idée, et je trouve encore, continue-t-il, que dans la description du fleuve Eurotas représentée par Eutychides, dans celle de Ganymède, Pline a peint les délicatesses de l'art et celles de l'esprit.
Léontius fit un ouvrage à Syracuse qui représentait un homme boitant par les souffrances que lui causait un ulcère; sur quoi Pline, l. XXXIV. c. viij. dit : "Syracusis autem claudicantem, cujus ulceris dolorem sentire etiam spectantes videntur"; ce récit prouve au moins que l'ouvrage de Léontius ne laissait rien à désirer pour l'expression. Quelqu'un trouvera peut-être la métaphore de Pline un peu forte : mais les amateurs des arts ont des façons de parler vives, enthousiastes, et qui ne servent que mieux à peindre le sentiment.
Lysias fit un char à quatre chevaux, dans lequel Apollon et Diane étaient placés, et ce bel ouvrage était d'un seul bloc. Auguste le mit sur l'arc qu'il consacra à la mémoire de son père, et le renferma dans un petit temple environné de colonnes. C'est Pline qui fait ce récit. L'arc dont il parle comme d'une nouvelle invention pour porter des statues, était apparemment d'une médiocre grandeur, et se réduisait à un grand socle ou piédestal chargé de la figure du monument. Ce corps solide devait cependant avoir une certaine hauteur, pour indiquer une plus grande idée de magnificence que des colonnes et des piédestaux ordinaires, d'autant même que ces corps étaient encore plus susceptibles de tous les bas-reliefs dont on voulait les enrichir.
Lysippe natif de Sycione et contemporain d'Alexandre; c'était à lui et à Apelle seulement qu'il était permis de représenter ce conquérant. Lysippe fit plusieurs statues de ce prince, suivant ses différents âges. L'empereur Néron posséda la plus précieuse; mais comme elle n'était que de bronze, il crut que l'or en l'enrichissant la rendrait plus belle; il arriva tout au contraire, que la nouvelle parure gâta la statue, et qu'on fut forcé d'enlever l'or, ce qui dégrada beaucoup cette antique par les taches et les cicatrices qui y restèrent.
Lysippe travaillait avec autant de génie que de facilité. Une imitation trop servile de la nature étant un défaut plutôt qu'une beauté, il savait lui donner plus de grâces et d'agréments qu'elle n'a coutume d'en avoir. Ce célèbre artiste avait représenté un homme sortant du bain, morceau précieux qui faisait un des plus grands ornements des thermes d'Agrippa. Tibère fit enlever cette pièce admirable pour en embellir son palais; mais le peuple ne put s'accoutumer à ne plus voir ce chef-d'oeuvre de l'art, et força l'empereur de le restituer.
Duris rapporte que Lysippe, ce sont les paroles de Pline, n'a point eu de maître; Tullius apparemment Cicéron, soutient qu'il en a eu un, mais que dans les commencements qu'il étudiait son art, la réponse du peintre Eupompus lui donna un excellent précepte; car lui ayant demandé quel était celui des anciens dont il lui conseillait de suivre la manière, il lui montra une multitude d'hommes, et lui indiqua par là qu'il ne fallait suivre que la nature. Toutes les parties de l'esprit ont autant besoin que les arts de cette grande vérité, et tous ceux qui n'ont pas eu la nature en vue n'ont présenté que de faux brillants, et leurs succès n'ont jamais été que passagers.
Après la liste d'une partie des grands et des beaux ouvrages de Lysippe, Pline finit par dire : il a beaucoup embelli l'art statuaire par la façon légère dont il a traité les cheveux, par la diminution des têtes que les anciens tenaient fortes, et par les corps traités plus légers et plus sveltes pour faire paraître ses statues plus grandes.
Mais ce qui semble fort étonnant est la quantité d'ouvrages que Lysippe exécuta. Il fit six cens dix morceaux de sculpture, qui tous auraient rendu célèbre l'artiste qui n'en aurait fait qu'un seul, ajoute Pline, l. XXXIV. c. vij. "tantoe omnia artis, ut claritatem possent dare vel singula."
Il fut aisé de savoir leur nombre, car il avait coutume de mettre à part un denier d'or, quand il avait produit un nouvel ouvrage, et son héritier en fit le calcul après sa mort; cependant ce fait mérite d'être expliqué; voici donc ce qu'en pense M. de Caylus.
S'il était question, dit-il, dans ce calcul des ouvrages de Lysippe, de statues de marbre, et même de figures de bronze de grandeur naturelle, ou faites chacune sur différents modèles, quoiqu'il en ait produit plusieurs de ce genre, le nombre de six cens dix morceaux de la main d'un seul artiste ne serait ni possible, ni vraisemblable; la connaissance des arts et leur marche dans l'exécution vont heureusement servir à lever tous nos doutes.
Quand la pratique de la fonte est familière à un artiste et qu'il a sous ses ordres des gens capables de l'aider, les ouvrages se multiplient en peu de temps; l'artiste n'a proprement besoin que de faire des modèles en terre ou en cire, manoeuvre que l'on sait être aussi prompte que facile. Le moule, la fonte et le soin de réparer sont des opérations qui ne demandent point la main du maître, et cependant la figure n'est pas moins regardée comme son ouvrage.
Ajoutons à ces facilités que l'on peut jeter un très grand nombre de figures dans le même moule, et sans doute que toutes les fois qu'il en sortait une de son fourneau, Lysippe s'était imposée la loi de mettre à part un denier d'or, dont le nombre accumulé servit après sa mort à supputer la quantité de figures fondues dans son atelier. Il n'eût pas été difficile à Jean de Boulogne d'en faire autant dans le dernier siècle, et peut-être que si l'on comptait le nombre de petites figures qu'il a produites de cette façon, on n'en trouverait guère moins de six cens dix, indépendamment des grandes figures équestres et des autres statues ou bas-reliefs dont il a fait les modèles, et à la fonte desquels il a présidé.
Lysistrate de Sicyone, frère de Lysippe fut selon Pline, "le premier qui fit des portraits gypse, en appliquant le plâtre sur le visage de ceux dont il voulait avoir la ressemblance, et qui jeta de la cire dans le creux que cette première opération avait produit; c'est ce que nous appelons moule. Avant le temps de cet artiste, on ne songeait qu'à rendre les têtes les plus belles qu'il était possible : mais celui-ci s'attacha le premier à la ressemblance". Pline dit tout de suite : "Enfin la chose alla si loin, que l'on ne fit aucun ouvrage de sculpture sans employer la terre : Crevitque res in tantum, ut nulla signa statuoeve sine argillâ fierent". Il n'est pourtant pas étonnant que l'on ne fît plus aucun ouvrage de sculpture sans employer la terre; parce qu'il n'y a dans le monde que la terre, la cire, ou le plâtre qui puissent obéir à l'ébauchoir, ou à la main du sculpteur, pour former son ouvrage et le mettre en état d'être moulé. Or, comme le plâtre et la cire sont encore plus difficiles à trouver que la terre, il est tout simple que les sculpteurs lui aient donné généralement la préférence.
Lyson est mis par Pline, liv. XXXIV, ch. viij, au nombre des statuaires qui réussissaient particulièrement à représenter des athlètes, des gens armés, et des sacrificateurs. Pausanias dit qu'il avait fait un morceau placé dans la salle du sénat qui représentait le peuple d'Athènes.
Malas de Chio, s'acquit dans sa patrie avec son fils Micciades, une haute réputation : ils vivaient avant Dypoene et Sey lis.
Menestrate. Pline, parlant de cet artiste, dit, livre XXXIV, ci. viij : On admire beaucoup l'Hercule de Menestratus et l'Hécate du même artiste. On voit cette dernière figure à Ephèse, derrière le temple. Le marbre en est si brillant, que les gardiens de ce temple avertissent les étrangers de la regarder avec précaution pour ménager leurs yeux.
Myron, athénien, disciple de Polyclète, vivait dans la 84e olympiade, vers l'an du monde 3560. Il s'est rendu recommandable par une exacte imitation de la belle nature. La matière semblait s'animer sous son ciseau; plusieurs jolies épigrammes du IV. liv. de l'Anthologie font mention d'une vache qu'il avait représentée en bronze avec un tel art, que cet ouvrage séduisait et les pâtres et les animaux. Enfin, cette vache fameuse, à ce que prétendent plusieurs auteurs, pouvait servir de modèle, tant pour l'excellence de l'imitation que pour la perfection de la nature même. Cependant nous avons lieu de penser que nos statuaires seraient en état de représenter aujourd'hui des animaux du genre imité par Myron et par ses confrères beaucoup plus parfaits que ceux qui leur étaient connus. L'idée de la belle nature que les anciens se sont formée sur la plupart des quadrupèdes, en prenant pour exemples ceux de la Grèce et d'Italie; cette idée, dis-je, n'approche pas des modèles que nous offrent à cet égard divers pays de l'Europe.
Nous voyons certainement, selon la remarque de l'auteur des réflexions sur la Poésie et la Peinture, que les taureaux, les vaches, et les porcs des bas-reliefs antiques ne sont point comparables aux animaux de la même espèce, que la Flandre, la Hollande et l'Angleterre élèvent. On trouve dans ces dernières une beauté, où l'imagination des artistes qui ne les avaient point vus, était incapable d'atteindre. Les chevaux antiques, même celui sur lequel Marc-Aurèle est monté, et à qui Pietre de Cortone adressait la parole toutes les fois qu'il passait dans la cour du capitole, en lui disant par enthousiasme pittoresque : "Avance donc, ne sais-tu pas que tu es vivant"? ces chevaux, dis je, n'ont point les proportions aussi élégantes, ni le corsage et l'air aussi nobles que les chevaux que les sculpteurs ont représentés, depuis qu'ils ont connu ceux d'Andalousie, ceux du nord de l'Angleterre, et depuis que l'espèce de ces animaux s'est embellie dans différents pays par le mélange que les nations industrieuses ont su faire des races. En un mot, les hommes les plus habiles ne sauraient jamais, en prêtant à la nature toutes les beautés qu'ils imagineront, l'anoblir dans leurs inventions, autant qu'elle sait s'anoblir elle-même à la faveur de certaines conjonctures.
Je reviens au sculpteur d'Athènes. Il y avait dans le temple de Samos une cour destinée pour les statues, parmi lesquelles on en voyait trois colossales de sa main portées sur la même base. Marc-Antoine les avait fait enlever; mais Auguste y fit remettre celles de Minerve et d'Hercule, et se contenta d'envoyer celle de Jupiter au capitole.
Le mont Hélicon était embelli d'un Bacchus debout que Myron avait fait, et qu'on estimait être la plus belle de ses statues après l'Erechtée qui était à Athènes. Ce Bacchus, dit Pausanias, était un présent de Sylla, non qu'il l'ait fait faire à ses dépens, mais il l'enleva aux Orchoméniens de Mynies pour la donner aux Théopiens, ce que les Grecs appellent honorer les dieux avec l'encens d'autrui.
Myron était jaloux de l'immortalité; et pour y participer par quelqu'un de ses ouvrages, il mit son nom presqu'en caractères imperceptibles sur une des cuisses de sa statue d'Apollon, que possédaient les Athéniens.
Pline fait un bel éloge de cet artiste : Primus hic, dit-il, "multiplicasse vartetatem videtur, numerosior in arte quàm Polycletus, et in symmetriâ diligentior" : cependant ce mot primus ne veut marquer qu'une plus grande variété dans la composition, et un plus grand soin dans l'exécution. En cela Myron l'emporta sur ses prédécesseurs. Pline ajoute qu'en fait de badinage, il fit un tombeau pour une cigale et pour une sauterelle. Et comme tout se répète dans le monde, un de nos artistes fit dans le dernier siècle le tombeau de la chatte de Madame de Lesdiguières; et cet ouvrage qui ne méritait pas d'être relevé, produisit je ne sais combien de pièces de vers.
Naucydes, d'Argos, fils de Mathon, et frère de Péryclète florissait, selon Pline, dans la 95e olympiade, avec Canachus, Aristoclès, Diomède et Patrocle. Son chef-d'oeuvre était la statue d'une jeune Hébé d'or et d'ivoire, qu'on avait mise près de la statue de Junon.
Onatas, de l'île d'Égine, sorti de l'école athénienne fondée par l'ancien Dédale, vivait en même temps qu'Agélades d'Argos. On voyait de lui à Pergame un Apollon en bronze qui était admirable, tant pour sa grandeur que pour la beauté de l'ouvrage. Mais rien ne lui acquit plus d'honneur que la Cérès que les Phigaliens lui demandèrent, en lui promettant telle récompense qu'il voudrait. "Je vins exprès à Phigale, dit Pausanias, pour voir sa Cérès; je n'immolai aucune victime à la déesse, je lui présentai seulement quelques fruits, à la manière des gens du pays, surtout du raisin avec des rayons de miel, et des laines sans apprêt, telles que la toison les donne. On met ces offrandes sur un autel qui est devant la grotte, et on verse de l'huile dessus. Cette espèce de sacrifice se fait tous les jours par les particuliers, et une fois l'an par la ville en corps : c'est une prêtresse qui y préside, accompagnée du ministre le plus jeune de la déesse. La grotte est environnée d'un bois sacré, où coule une source d'eau très froide". Voilà un joli sujet de Gravure ou de Peinture que fournit Pausanias : la statue de Cérès, les sacrifices non sanglants qu'on offre en procession sur son autel, une belle prêtresse, avec un jeune ministre qui les reçoit, la grotte, le bois sacré, la source d'eau vive, etc.
Le même Onatas avait fait plusieurs statues équestres pour les Tarentins, et ces statues furent mises dans le temple de Delphes. Il avait encore été employé par Dynoménes, fils de Hiéron, tyran de Syracuse, pour le monument dont il gratifia la ville d'Olympie, en mémoire des victoires remportées par son père aux jeux olympiques. Enfin, ce qui augmente la gloire de cet artiste, est d'avoir été le maître de Polyclète.
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