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Encyclopédie
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Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers
Article : Sculpteurs anciens - 5/5
Début des Sculpteurs anciens
Scopas naquit à Paros; et fleurissait à Ephese vers la centième olympiade. Il travailla avec d'illustres concurrents au fameux mausolée qu'Artémise fit ériger à Mausole son mari, mort la 106 olympiade dans la ville d'Halycarnasse. Sa colonne pour le temple de Diane d'Ephese passait pour la plus belle de toutes; mais sa Vénus qui fut dans la suite transportée à Rome, était son chef-d'oeuvre. On a même prétendu qu'elle égalait en beauté celle de Praxitèle. Outre Vénus, Scopas avait fait un Phaëton, un Apollon, une Vesta avec deux filles assises à terre à ses côtés, un Neptune, une Thétis, un Achille, un Mars, et la plupart de ces statues étaient à Rome. L'Amour, Pothos (le Désir) et Phaëton étaient encore trois statues de ses mains, qu'on voyait avec admiration dans le temple de Vénus Praxis à Mégare. Cet excellent artiste les avait représentées aussi diversement que ces trois choses sont différentes; mais il faut représenter le détail entier que Pline nous a donné des ouvrages de ce grand maître.
Il fit, dit-il, Vénus, Pothos et Phaëton, qui sont adorés en Samothrace avec les cérémonies les plus saintes : l'Apollon palatin, la Vesta assise, ayant auprès d'elle deux vestales assises à terre : ce dernier morceau est très célèbre. Scopas a répété les deux vestales; elles sont dans les bâtiments d'Asinius Pollio, où l'on voit de plus une canéphore; mais ce que l'on trouve supérieur, et que l'on voit dans le temple de C. N. Domitius, au cirque de Flaminius, ce sont les figures de Neptune, de Thétis, d'Achille, des Néréides assises sur des dauphins et des chevaux marins, des tritons avec une trompe à la suite de Phorcus; enfin plusieurs autres choses convenables aux divinités de la mer. Pline dit de ce morceau, qui selon toute apparence avait été traité en bas-relief, "magnum et proeclarum opus, etiamsi totius vitoe fuisset". Ouvrage qui serait admirable, quand il aurait occupé toute la vie d'un homme.
Nous ne connaissons pas, continue-t-il, tous les morceaux qui sont sortis de la main de cet artiste; cependant il a exécuté Mars assis et de proportion colossale. Cette statue est placée dans le temple de Brutus Gallaïcus, dans le même cirque où l'on voit de plus une Vénus nue capable de rendre célèbre tous les autres lieux qui pourraient la posséder; mais l'air de grandeur et de magnificence qui règne partout dans la ville de Rome, peut seul étouffer la réputation de ces grands morceaux : il n'est pas possible de les admirer et de les contempler; le mouvement des affaires détourne sans cesse, et l'admiration des chefs-d'oeuvre a besoin du silence et de la tranquillité de l'esprit.
Cette peinture du mouvement de la ville de Rome est peut-être plus frappante que toutes celles qui se trouvent dans aucun autre auteur.
On ne sait, continue Pline, si c'est à Scopas ou à Praxitèle que l'on doit attribuer la Niobé mourante avec ses enfants; ce groupe est placé dans le temple d'Apollon Sosien. Le sujet de Niobé se voit encore partie dans la vigne de Médicis à Rome; mais il est douteux si ces restes appartiennent à celui dont parle Pline.
On ignore aussi, continue toujours cet auteur, lequel de ces deux artistes, Scopas ou Praxitèle, a fait le Janus que l'on voit au temple d'Auguste, et que ce prince avait fait apporter d'Egypte : on le sait d'autant moins que l'on a fait dorer la figure.
Voilà, dit M. de Caylus, une raison tirée de l'art; car il est constant que toute couleur, dorure ou vernis appliqué sur une statue, ôte des finesses, empêche de distinguer la touche, émousse les vives arêtes, dénature l'expression de la chair, et par conséquent empêche souvent les connaisseurs de l'attribuer à un maître plutôt qu'à un autre. Les anciens alliaient encore quelquefois, dans les ouvrages de sculpture en ronde-bosse, les marbres de couleur, l'or, l'ivoire et le bronze. Les modernes ont heureusement banni cette fausse magnificence, qui diminue, interrompt l'effet, et ne produit aux yeux qu'un papillotage sans goût.
Je reviens à Scopas, pour dire, en finissant son article, que son nom acquit de plus en plus de la célébrité, non seulement par ses ouvrages qui subsistèrent, mais parce qu'il avait eu des émules et des rivaux d'un grand mérite. Horace, ode viii liv. IV en fait lui-même un bel éloge. "Si j'avais, dit-il, un cabinet enrichi des chefs-d'oeuvre de Parrhasius ou de Scopas..."
Divite me scilicet artium, Quas aut Parrhasius, aut Scopas.
Silanion, né à Athènes, vivait du temps d'Alexandre le grand, et se rendit très habile dans son art, sans avoir eu de maître. Les historiens parlent de la statue d'un certain Satyrus qui avait souvent remporté le prix aux jeux de la Grèce, de celle de l'athlète Démarate, de celle d'Achille, et de celle d'un Epistate exerçant les lutteurs. Cicéron vante extrêmement la Sapho de bronze de ce célèbre statuaire. Verrès l'avait enlevée du prytanée de Syracuse. Pline raconte que le même Silanion avait jeté en bronze la statue d'Apollodore son confrère, homme emporté contre lui-même, et à qui il arrivait souvent de briser ses propres ouvrages, parce qu'il ne pouvait les porter à la souveraine perfection dont il avait l'idée dans l'esprit; Silanion représenta d'une manière si vive cet emportement, que l'on croyait voir, non Apollodore, mais la colère en personne : "hoc in eo expressit, nec hominem ex aere fecit, sed iracundiam", dit Pline. Silanion écrivit un traité des proportions, suivant le témoignage de Vitruve.
Socrate. Je me garderai bien d'envier à la sculpture l'honneur qu'elle a eu de compter ce grand homme parmi ses élèves. Il était fils d'un statuaire, et il le fut lui-même avant que de s'attacher à la physique et à la morale. Il disait que la sculpture lui avait enseigné les premiers préceptes de la philosophie. On lui attribuait communément les trois grâces qu'on conservait dans la citadelle d'Athènes; elles n'étaient point nues, mais couvertes. Le plus sage des Grecs n'est pas le seul de son nom qui ait cultivé la sculpture; il y avait près de Thèbes une chapelle bâtie par Pindare, en l'honneur de Cybèle, la statue de la déesse était l'ouvrage de deux thébaïtes, nommés Socrate et Aristomède; elle était de marbre du mont Centélique, et on ne pouvait la voir qu'une fois l'année.
Strongilion est de tous les statuaires celui qui réussissait le mieux à représenter des chevaux et des boeufs.
Téléclès et Théodore; les Egyptiens, selon Diodore de Sicile, liv. I. assurent que les plus fameux des anciens sculpteurs de la Grèce, ont pris des leçons chez eux. Tels furent entre autres Téléclès et Théodore de Samos, sils de Rhoecus, qui ont fait la statue d'Apollon Pythien, qu'on voit à Samos. Téléclès, si nous les en croyons, fit à Samos une moitie de cette statue, pendant que son frère Théodore travaillait l'autre à Ephèse; et le rapport de ces deux moitiés se trouva si parfait, que toute la figure paraissait être d'une seule main. Ils ajoutent que cette pratique singulière, peu connue des sculpteurs grecs, est très en vogue parmi les artistes égyptiens; ceux ci ne jugent pas comme les Grecs, d'une figure, par le simple coup d'oeil, mais rapportant les proportions du petit au grand, ils taillent séparément, et dans la dernière justesse, toutes les pierres qui doivent former une statue. C'est pour cela qu'ils ont divisé le corps humain en vingt une parties et un quart, en donnant à chacune d'elles, une grandeur relative à celle des autres, et du tout ensemble; ainsi quand les ouvriers sont une fois convenus entre eux de la hauteur de la figure, ils vont exécuter chacun chez soi les parties dont ils sont chargés, et elles s'ajustent ensemble d'une manière étonnante pour ceux qui ne sont pas au fait de cette pratique; or les deux moitiés de l'Apollon de Samos, travaillées à part dans le goût égyptien, se joignent, dit-on, suivant toute la hauteur du corps, et quoiqu'il ait les deux bras étendus, et qu'il soit dans l'attitude d'un homme qui marche, sa figure entière est dans la plus exacte proportion; enfin cet ouvrage cède peu aux chefs-d'oeuvre de l'Egypte même, qui lui ont servi de modèle.
On a de la peine à comprendre ce que Diodore rapporte ici des sculpteurs égyptiens, dit M. de Caylus, dans ses réflexions sur ce passage; comment, ajoute-t-il, des artistes travaillants séparément, en des lieux distants l'un de l'autre, et sans se communiquer leurs opérations, pouvaient-ils chacun faire une moitié de statue, dont la réunion composait un tout parfait?
Si l'on croit la chose probable, il faut du moins supposer un fait que Diodore a passé sous silence; c'est qu'il y avait en premier lieu un modèle arrêté, et sur lequel chacun s'était réglé. N'est-ce pas en effet ce que cet historien a prétendu faire entendre, lorsqu'il dit que les sculpteurs égyptiens, en prenant leurs mesures, rapportent les proportions du petit au grand, comme le font encore aujourd'hui nos sculpteurs. Les Grecs au contraire, dit Diodore, jugent d'une figure par le simple coup d'oeil; ce qui veut dire qu'ils travaillent sans modèle, chose difficile, mais possible.
Au reste, le travail dont il s'agit devenait d'autant plus facile à exécuter, que la statue de l'Apollon pythien, qu'ils avaient ainsi travaillée, était, à ce que rapporte le même auteur, dans le goût des statues égyptiennes, c'est-à-dire qu'elle était les bras étendus, et collés le long du corps, les jambes, l'une en avant, l'autre en arrière, dans l'attitude de quelqu'un qui se prépare à marcher; et c'est ainsi en effet que sont la plupart des statues égyptiennes; elles ne varient presque point d'attitude; les ouvriers étant une fois convenus des mesures et des proportions générales, pouvaient travailler en quelque façon à coup sûr, et même disposer les différentes pierres qui devaient composer une statue colossale; car il serait ridicule de penser que les statues dont il s'agit ici, fussent des statues de grandeur naturelle. Un seul bloc, et un seul ouvrier devaient suffire pour chacune; au lieu que pour une statue hors de proportion, il était naturel de distribuer les différentes parties dont elle était composée, à différents ouvriers.
Voilà l'utilité que les sculpteurs égyptiens tiraient de ces règles de proportion dont ils étaient convenus entre eux, règles qui ne peuvent pas s'entendre des justes proportions du corps humain, parce que les Grecs les connaissaient aussi bien qu'eux, et les suivaient avec encore plus d'exactitude. Tout ce qu'il y avait donc de différent entre les uns et les autres, c'était la manière d'opérer : les Grecs travaillaient sans s'assujettir à prendre des mesures sur un modèle; les Egyptiens au contraire, faisaient de petits modèles, qui leur servaient à faire les statues en grand; de là vient. dit Diodore, que les sculpteurs qui devaient travailler sur un même ouvrage, étant convenus de la grandeur que doit avoir cet ouvrage, se séparent, et sans doute, comme je crois le pouvoir ajouter, emportent chacun une copie du modèle convenu; enfin après avoir travaillé séparément, ils rapportent chacun les pièces qu'ils ont faites, et lorsqu'elles sont rejointes, elles forment un tout exact : pratique bien capable de causer de la surprise et de l'admiration à ceux qui ne sont pas au fait de cette opération.
Il n'y a donc rien que de très faisable et de très vraisemblable dans ce récit : on observe cependant que les statues qui nous restent des Egyptiens, ne sont toutes que d'un seul bloc; mais ce sont celles qui sont d'une grandeur naturelle, et qui n'ont dû être l'ouvrage que d'un seul artiste; par conséquent la pratique des sculpteurs égyptiens, dont parle Diodore, n'était pas générale, elle n'était d'usage que pour les statues colossales. Il en reste quelques-unes de cette dernière espèce dans la haute Egypte, qui sont en effet composées de plusieurs blocs de marbre, du moins autant qu'on en peut juger sur les dessins. Or ces colonnes peuvent avoir été travaillées dans différents ateliers, partie par partie, et de la façon dont le dit Diodore. Ainsi en restreignant à ces sortes de statues la pratique dont il est question, il ne sera pas difficile de comprendre ce que rapporte l'historien; et le merveilleux qui y paraît attaché, disparaîtra sans peine. Mém. de l'acad. des Inscr. tom. XIX.
Téléphanes, phocéen, n'a point fait parler de lui, et la raison du silence qu'on a gardé sur le vrai mérite de cet artiste, dit Pline, l. XXXIV c. viij c'est qu'il avait travaillé pour les rois Xerxès et Darius. Bien des gens pourraient regarder cette punition comme une espèce d'humeur mal entendue; mais cette convention générale, parfaitement exécutée par tous les peuples de la Grèce, peint bien les Grecs. Elle leur fait d'autant plus d'honneur, que leur goût pour les arts et pour les bons artistes n'était pas douteux.
Théodore, dont j'ai déjà parlé, frère de Téléclès, et qui exécuta le labyrinthe de Samos, réunissait les talents de l'architecture à celui de l'art de fondre. Pline, l. XXXIV. c. viij. dit qu'il fondit en bronze en petit son portrait, et qu'il tenait dans sa main gauche un char à quatre chevaux que couvrait une aile de mouche. Ces sortes de badinages de l'art montrent beaucoup de délicatesse, mais ils paraissent encore plus recommandables dans le marbre, qu'en bronze, parce que sur le marbre le moule n'y peut être d'aucun secours, et que le plus petit coup donné à faux ou trop appuyé, suffit pour détruire en un moment, le travail de plusieurs mois. Voyez l'article de Callicrate, qui excellait encore dans ces sortes d'ouvrages délicats.
Enfin on peut placer le morceau suivant de Canachus, avec celui de Théodore, c'est aussi Pline qui en fait mention, l. XXXIV. c. viij. "Cervumque una ita vestigiis suspendit, ut linum subter pedes trahatur, alterno morsu digitis calceque retinentibus solum, ita vertebrato dente utrisque in partibus, ut a repulsu per vices resiliat". Ce double mouvement, dans les pieds de ce cerf, qui n'étaient point arrêtés sur la plinthe, chose nécessaire pour laisser passer le fil, prouve que cet ouvrage était d'une médiocre étendue. Cet autre mouvement des dents, d'accord ou ressemblant à celui des vertèbres, annonce encore une machine qui affectait quelques-uns des mouvements de la nature. C'en est assez, ajoute M. de Caylus, pour prouver que les anciens ont connu d'une manière glorieuse, toutes les opérations des arts, et même celles que l'on aurait pensé pouvoir leur disputer avec le plus d'apparence de raison.
Timothée fut chargé conjointement avec Scopas, Briaxis, et Léochares, des ornements du mausolée qu'Artémise fit faire à Mausole son mari, roi de Carie, qui mourut la 106e Olympiade. On voit à Rome, continue Pline, dans le temple d'Apollon, une Diane de la main de Timothée, à laquelle Aulanius Evander a remis une tête. On était déjà dans la triste obligation de restaurer les statues.
Tisagoras, artiste célèbre par ses statues de fer. Il en avait fait une qui représentait le combat d'Hercule contre l'hydre; on plaça cette statue dans le temple de Delphes. On ne peut, dit Pausanias in Phor. assez admirer cet ouvrage, ainsi que les têtes de lion et de sanglier du même artiste, qui sont aussi de fer et que l'on a consacrées à Bacchus dans la ville de Pergame.
Tisandre, avait fait une grande partie des statues qui représentaient les braves officiers qui secondèrent Lysander à Agios Potamos, soit spartiates, soit alliés de Sparte. Pausanias vous en dira les noms.
Tisicrate, athénien, fleurissait dans la 66e olympiade, et se rendit célèbre par sa belle statue de la courtisane Leaena. Tout le monde sait l'histoire de cette fameuse courtisane, qui ressemblait à celles de nos jours, comme nos consuls ressemblent aux consuls de Rome. Leaena ayant su le secret de la conspiration d'Harmodias et d'Aristogiton contre Hipparque, fils de Pisistrate, fut mise à la question par l'ordre du frère d'Hipparque; mais de peur de succomber aux tourments, elle aima mieux se couper la langue, que de risquer de découvrir les conjurés. Les Athéniens touchés de cette grandeur d'âme, élevèrent en son honneur une statue qui représentait une lionne sans langue, et Tisicrate chargé de cet ouvrage, s'en acquitta d'une façon glorieuse; j'ai pour garants Pline, liv. XXXIV. cha. viijp. Hérodote et Thucydide.
Turianas, était d'Etrurie; Tarquin l'ancien le fit venir de Fregella, ville du Latium, pour faire la statue de Jupiter qu'il voulait placer dans le capitole; et l'on était encore dans l'usage, longtemps après, de peindre cette statue avec du minium. Le même Turianus fit aussi des chars à quatre chevaux; ils furent mis sur le faîte du temple, et cet artiste joignit à tous ces ouvrages une statue d'Hercule, qui, dit Pline, "hodieque materioe nomen in urbe retinet", et que l'on nomme l'Hercule de terre. Pline, livre XXXV. chap. xij.
Xénophon, statuaire d'Athènes, fit une statue de la Fortune, dont l'antiquité à beaucoup parlé. Dans cette statue, la déesse tient Plutus entre ses bras sous la forme d'un enfant; et c'est, dit Pausanias, une idée assez ingénieuse de mettre le dieu des richesses entre les mains de la Fortune, comme si elle était sa nourrice ou sa mère.
Xénophon était contemporain et compatriote de Cephissodore. Ils firent ensemble un Jupiter assis sur son trône, ayant la ville de Mégalopolis à sa droite, et Diane conservatrice à sa gauche; ces deux statues furent mises dans le temple de Jupiter sauveur en Arcadie.
Zénodore, fleurissait du temps de l'empereur Néron. Il se distingua par une prodigieuse statue de Mercure, et ensuite par le colosse de Néron, d'environ cent dix ou cent vingt pieds de hauteur, qui fut consacré au soleil. Vespasien fit ôter la tête de Néron, et exposer à sa place celle d'Apollon ornée de sept rayons, dont chacun avait vingt-deux pieds et demi. Mais il est bon d'entrer dans les détails que Pline, l. XXXIV. c. vij. nous a conservé de Zénodore, et qui sont intéressants; j'y joindrai, suivant ma coutume, quelques réflexions de M. de Caylus.
Les ouvrages de Zénodore l'ont emporté sur toutes les statues de ce genre (que l'on voit en Italie) par le Mercure qu'il a exécuté en Gaule, dans la ville des Avernes; il y travailla l'espace de dix ans, et il couta quatre cens mille sesterces. Quand il eut fait voir son habileté par les ouvrages qu'il avait faits dans cette ville, Néron le fit venir à Rome, et l'employa à faire son portrait dans une figure colossale de cent dix pieds de haut; elle a depuis été consacrée au soleil, pour témoigner l'horreur que l'on avait de tous les crimes de ce prince (c'est-à-dire qu'on ôta la tête de ce prince pour y mettre celle du soleil.)
Nous avons vu, continue Pline, dans l'atelier de Zénodore, non seulement le modèle de terre de ce colosse, "similitudinem insignem ex argillâ", mais aussi les petites figures qui servirent au commencement de l'ouvrage, ex parvis surculis.
Ce modèle, dit M. de Caylus, était de terre et n'était pas un creux, car la terre n'a pas assez de consistance pour être employée à faire des creux; elle se cuit trop inégalement dans ses parties, ou plutôt en séchant elle se resserre et se raccourcit de façon que sa diminution est trop inégale; donc il est question d'un modèle de terre, et le mot de surculis doit être regardé comme les premières idées, les pensées, les esquisses, les maquettes, comme on dit dans l'art, qui servent à fixer et à déterminer le choix du sculpteur dans la composition de sa figure.
Pline poursuit : cette statue fit voir que l'art de fondre était perdu; Néron n'épargnant ni or ni argent pour la réussite de cette entreprise, et Zénodore étant estimé autant qu'aucun des anciens artistes, pour le talent de modeler et de réparer son ouvrage.
Ces paroles que l'art de fondre était perdu, veulent dire peut-être, que l'art de jeter en fonte de grands morceaux tels que les colosses était perdu. En ce cas celui de Néron, et le Mercure des Avernes (du pays d'Auvergne), exécutés par Zénodore, loin d'être travaillés comme tous ceux dont Pline a parlé jusques ici, n'auraient été faits que de plaques ou de platines de cuivre soudées ou clouées.
Pendant que Zénodore travaillait à la statue des Avernes, il copia, dit Pline, deux vases dont les bas-reliefs étaient de la main de Calamis : ils appartenaient à Vibius Avitus qui commandait dans cette province; ils avaient été possédés par Germanicus César, qui les avait donnés, parce qu'il les estimait beaucoup, à Cassius son gouverneur, oncle de Vibius; Zénodore les avait copiés, sans qu'il y eût presque aucune différence.
Cependant, observe ici M. de Caylus, le talent de Zénodore est plus prouvé par les deux grands modèles qu'il a faits, que pour la copie de ces deux vases : un artiste médiocre peut en venir à bout, et satisfaire, étonner même des gens peu délicats; mais il faut toujours de grandes parties dans l'esprit et des connaissances fort étendues dans l'art, pour exécuter heureusement des machines pareilles à ces colosses; le détail de la fonte ne change rien à la grandeur du génie nécessaire pour la production d'une figure de plus de cent pieds de proportion.
(Tous les articles des sculpteurs anciens sont de M. le chevalier de Jaucourt.)
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